SLEAFORD MODS (GB)
La formule est la suivante: Fearn, grand échalas faussement apathique dodelinant mains dans les poches derrière son ordinateur, balance une boucle qui va se répéter tout au long du morceau ou presque (rythme et ligne de basse suffisent, quelques éléments mélodiques sont quelquefois acceptés); puis Williamson, tendu comme un climat social, prend le micro pour raconter – phrasé au hachoir, prosodie protestataire et accent des Midlands inclus – toutes sortes d’histoires d’une Angleterre qui se délite: chômage, atonie du quotidien, avenirs blêmes. On pourrait dès lors parler ici d’une forme de punk extrêmement minimale, débarrassée de son instrumentation pour se reposer entièrement sur une scansion et un bruit qui tourne.
C’est une musique raclée sur l’os. Et c’est bien en vertu de cette économie de moyens qu’elle se donne les moyens d’être explosive. Quand on leur demande si, en vertu de leur discours absolument contestataire, ils se considèrent comme des artistes radicalement de gauche, ils répliquent qu’ils se sentent surtout humanistes.
Williamson et Fearn pratiquent une poésie qui n’y va pas par quatre chemins: les rythmes secs, la répétitivité, l’aboiement rauque fonctionnent chez eux comme la mise en forme d’une énergie de la «désabusion», et comme l’expression d’une colère paradoxalement festive – les concerts de Sleaford Mods sont d’ailleurs notoires pour leur capacité à transformer à peu près n’importe quelle salle en sauna.

Un texte rédigé par Philippe Simon.

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