Art Melody Chez Maurice

– Art Melody –

A l’écoute de la musique d’Art Melody, tous les repères d’espace ou de temps disparaissent instantanément. Ses morceaux touchent à l’universalité la plus pure. Celle qui vient de très loin. Qui nous emmène encore plus loin. Celle qui tissent des liens souvent défaits entre les continents, la tradition et la modernité, le corps et les machines, le cerveau et le cœur.
Art Melody est un rappeur du Burkina Faso au parcours nourri de passion et d’abnégation. C’est dans la mémoire lointaine de son enfance qu’il puise son amour de la musique. “Quand j’étais petit, ma mère écrivait et fredonnait des petites chansonnettes. J’ai grandi avec cet environnement musical. Elle me passait des K7 de musique traditionnelle et je la suivais dans les mariages et les baptêmes où elle se produisait.” raconte ainsi l’artiste. Au lycée, il découvre le rap français et américain, et s’inspire de cet âge d’or, de Mobb Deep à KRS One en passant par Oxmo Puccino ou le Wu Tang Clan. En toile de fond, il y a toujours le Burkina Faso et l’héritage du griot qui fleurissent dans son âme.
Au début des années 2000, Art Melody rêve d’Europe et part en voyage. Il est emprisonné en route et renvoyé au Burkina Faso après un périple difficile. Il part alors en Côte D’Ivoire, au Mali en Mauritanie, croise de nombreux musiciens qui nourrissent sa vision globale de la musique. Une rencontre déterminante a lieu en 2008 avec Nicolas Guibert, co- réalisateur et producteur du documentaire Tamani. Après avoir fait son portrait, il lui promet de revenir quelques mois plus tard pour enregistrer un album. Cette collaboration s’étalera sur 14 ans et 7 albums sortis par le label Tentacule Records sur lesquels des artistes de la trempe de High Priest (Anti Pop Consortium), Walter Kibby (Fishbone), Jimi Tenor (Warp), Labelle ou encore l’ingénieur du son Dave Cooley (Stones Throw) posent leurs pattes. Au cours des années, Art Melody séduit le public et la presse, se produit dans de grands festivals (Paléo, Transmusicales) et croise la route de Angélique Kidjo, Seun Kuti, La Rumeur, Quantic Soul Orchestra, Das Efx, Gaël Faye. Il collabore aussi avec Joey Le Soldat via le projet Waga 3000 et œuvre pour sa visibilité en France.
La sortie de son huitième album, Artemisia, s’annonce comme une forme de point d’orgue de cette carrière exemplaire. Produit entre Ouagadougou et Bordeaux, le disque a été mis en musique par le beatmaker français Redrum, partenaire créatif de longue date. C’est dans le home studio de Zhyac Empereur que Art Melody a ensuite enregistré les paroles de ces nouveaux morceaux oscillant entre rap électronique brûlant, réminiscences griotiques, soul futuriste et expérimentations sonores. L’artiste burkinabé y évoque sans fard et avec une poésie ancestrale des thèmes qui lui sont chers : l’amour, la vie de son pays violentée par les conflits, un rapport fusionnel à la nature qui l’entoure. Agriculteur le jour, Art Melody reste profondément attaché à son environnement. “J’entre en moi pour ressortir des expériences personnelles, qu’elles soient heureuses ou douloureuses” explique ainsi l’artiste. C’est probablement ce qui explique l’humanité qui imprègne ces nouveaux morceaux.
Sur Zink Drapowan, Art, rejoint par le flow percutant de Rudeboy (Urban Dance Squad) joue un hip hop baigné de cuivres, scandé et émotionnel. Boukma, le 2e single du disque, plus minimal provoque une forme de transe soutenue par la production ciselée de Redrum. Sur Lonab, Art Melody dévoile une nouvelle facette, presque rétro-futuriste, qui emmène Outkast ou George Clinton sur les terres africaines. Artemisia tire son nom d’une plante utilisée dans la médecine traditionnelle, une façon pour le rappeur de rappeler que la musique nous soigne et tire son inspiration de la terre, de la nature qui nous entoure. Avec ce huitième album, Art Melody parvient à une maturité artistique impressionnante et séduit par sa versatilité et son honnêteté baignée d’humanité.