En 2004 sortait le désespéré Vive la Vie, sûrement le meilleur album de rupture du rap français. Depuis, le houellebecquien La fin de l’espèce en 2012 et puis… silence radio, du moins sur disque. En attendant un troisième effort en octobre prochain, Fuzati, la
tête pensante Versaillaise du Klub des Loosers au flow aussi fragile que tranché revient sur scène avec son live band.
Tu sors le 3ème album du Klub des Loosers en 17 ans d’existence, est-ce complexe pour toi de composer ?
C’est naturel ! Je fais partie de la génération qui a connu la vie sans internet, il n’y avait que cinq chaînes de télé, donc les seuls moyens de s’échapper étaient la radio, les livres et l’écriture. Je fais peu de disques et de tournées car je veux garder une certaine fraîcheur, ne pas décevoir les gens et garder ma ligne artistique. J’ai vu tellement d’artistes cartonner au début et connaître l’horreur de la descente.
Quelle est la part de réflexion sur un album du Klub des Loosers ?
La plupart du temps, je trouve un concept en amont (le mal-être adolescent pour le 1er disque, le fait de ne pas vouloir se reproduire sur le second), puis je le nourris. À partir de là, j’évite de trop réfléchir, je prends constamment des notes, je ne me regarde pas faire. Il faut que ça reste ludique et égoïste.
Te considères-tu vraiment comme un misanthrope ?
Disons que je considère l’humain comme le pire des parasites sur Terre et que j’ai tendance à préférer les animaux…
Tes disques sont liés à des moments précis de ta vie, t’arrive-t-il d’être en décalage avec les textes que tu interprètes sur scène ?
Jamais ! Il faut comprendre que Fuzati est un personnage, d’où le masque ! Ma musique n’est pas autobiographique, au mieux une version extrême de moi-même. Ce masque me permet justement de chanter ses chansons d’adolescent alors que j’approche de la quarantaine.
Penses-tu que le public a parfois du mal à différencier la personnalité d’un artiste et son art ?
Les Américains se fichent que Rick Ross ne soit pas le plus gros dealer du monde. Mais aujourd’hui, ça devient plus ludique en France : un artiste n’a pas à expliquer d’où il vient pour être crédible. Un blanc comme Vald rappe sur de la dance et tout le monde s’en fout, seule la musique compte ! C’était impossible il y a 15 ans, peut-être parce qu’on a essuyé les plâtres…
Essayes-tu consciemment de créer un peu de rareté dans une époque où l’on est saturé de nouveautés ?
Oui, car on ne peut être nouveau deux fois ! Je ne suis pas un vieux con nostalgique, mais il y a trop d’information pour prendre le temps d’apprécier les choses. Il y a tellement de productions musicales que si tout le monde arrêtait de faire de la musique, il y aurait encore des millions d’heures à écouter. Je suis d’ailleurs peu présent sur les réseaux sociaux (NDLR : son seul tweet est « Allez plutôt lire des livres »), mais je n’ai rien contre ceux qui y sont. Si un artiste aime que ses fans le voient manger un risotto sur Instagram, il aurait tort de se priver !
Interview réalisée par Pierre-François Caillaud.